Rupture
Il est assis dans un canapé. Il est couché, cassé, bourré. Elle lui dit de manger.
– Je suis en train de te perdre.
– Oui.
– Pourquoi ?
Parce que j’ai l’impression de sentir mauvais, d’avoir l’haleine fétide et d’être grosse.
Parce que je ne peux pas imaginer une maison fermée, sans air qui entre et qui sort, qui se renouvelle, avec des amis qui passent.
Parce que les démonstrations spontanées d’amour sont des preuves d’amour, verbales ou tactiles ou matérielles.
Parce que si je restais, tu ne m’appellerais plus jamais pour rien, tu ne m’embrasserais plus jamais pour rien, tu ne me regarderais plus jamais pour rien.
Parce que je m’épuise à être celle que je ne suis pas.
Parce que mon besoin d’être rassurée est ponctuel et insondable et que je ne peux pas le taire.
Parce que je ris trop fort, je pleure trop souvent et je ris l’instant d’après.
Parce que je n’aime pas le jeu « tu me suis je te fuis, tu me fuis je te suis », sans harmonie.
Parce que je devrais t’aimer pour le pire de toi et ce n’est pas encore suffisant.
Parce que j’ai trop de mémoire, que je ne me détache pas des mots et que ces mots font mal.
Parce que la douche écossaise est une forme de torture psychologique.
Parce que j’aspire à lâcher prise et qu’ici je pense trop. Déstabilisée.
Parce qu’aimer est un don et non une conquête.
Parce que je me suis trompée d’histoire.
Parce que quelques jours de bonheur absolu ne compensent pas quelques minutes de souffrance absolue.
Parce que je ne sais pas comment laisser la confiance revenir.